La première chose à savoir sur Ai, la plus importante et celle qu'elle ne cesse de ressasser à chaque fois, c'est qu'il faut l'appeler par son nom de famille, à savoir Ikeda. Elle ne supporte pas son prénom. Et elle ne le déteste pas sans raison. Tout commença le jour où, ses parents divorcèrent. Être le fruit de l'union de ces deux personnes et représenter leur amour ne signifiait plus rien, à présent. C'était juste totalement ironique. Une blague totale. Et franchement, un prénom aussi court. Ai. Deux lettres. Fallait pas abuser non plus, un prénom ne devait pas faire moins de trois lettres. Et enfin, s'appeler « Amour » alors que la demoiselle n'y croit absolument pas, à ce grand et véritable amour, c'est la lose totale quoi. Surtout avec l'admirable exemple que lui ont montré ses parents. Son père, remarié trois fois, et sa mère, ne s'étant pas remise du divorce qui ramène un nouvel homme toutes les deux semaines. Bref. Elle considère ça plus comme une malédiction qu'autre chose. Mais tant que vous l’appellerait Ikeda, tout ira bien.

En mettant à part ce détail, Ai est tout ce qu'il y a de plus normal -ou presque. Elle se tasse dans la masse, se fond dans le décor et disparaît alors. Silencieuse et discrète, on ne la remarque pas. Elle est ce genre de personnes qui n'ont rien de bien extraordinaire, sur lequel le regard ne s'attarde jamais. Elle n'a rien d'extravagant, rien de spécial. Totalement banale. Ca lui convient parfaitement, d'ailleurs. Elle n'a jamais aimé attirer les regards, être l'attention de tout le monde. De la tranquillité, c'est tout ce qu'elle recherche. C'est tout ce qu'elle veut. Elle déteste qu'on vienne la déranger dans sa bulle, déteste qu'on l’interrompt dans sa lecture, déteste qu'on vienne lui parler. Elle n'est pas sociable et ne fait aucun d'effort pour s'améliorer dans les relations humaines, car elle prétend ne pas en avoir besoin. La solitude qui l'accompagne depuis déjà l'enfance lui sied parfaitement. Elle s'est habituée à cette situation, et changer ses habitudes n'est justement pas dans ses habitudes.

Lorsque la jeune fille se retrouve confrontée à un contact humain, elle ne peut s'empêcher de sembler ennuyée et complètement blasée. Qu'elle soit dérangée, ou non. Éternellement taciturne, concise et brève, elle donne cette image de froideur et de désintéressement total dans ses paroles. Franche, elle a d'ailleurs une fâcheuse tendance à tout dire sans aucun tact, au risque de se faire cracher dessus par la suite. Car elle déteste s'embêter à tourner autour du sujet. Elle dit ce qu'elle pense, pense ce qu'elle dit, et ne se préoccupe pas à embellir ses phrases inutilement. Elle ne prend même pas la peine d'essayer d'être sympathique, ni même rétablir les malentendus qu'elle cause. Se faire haïr n'est pas un problème pour Ai, se faire aimer en est un. Car dès lors où une personne s'attache à la demoiselle, il y a cette forte probabilité que l'affection reçue soit donnée en retour, faisant resurgir toutes ces contraintes, qu'elle préfère fuir, si assommantes pour elle.

Car au fond, notre littéraire n'est pas bien méchante. Elle a juste peur de s'attacher et d'être blessée. Donc elle se dresse ce mur d'indifférence pour se protéger, même si au final ça la rend handicapée sociale et totalement maladroite. En réalité, elle est douce et se préoccupe souvent des autres. Car à défaut de ne pas savoir gérer ses relations humaines, elle est observatrice. Ai, c'est cette fille que tu ne connais pas et que tu n'as jamais vu te dire que l'infirmerie existe et qu'elle n'est pas là pour faire jolie, lorsque tu te sens mal. C'est aussi celle qui rajoute à la fin qu'il serait embêtant qu'elle tombe malade par ta faute. Ai en réalité, c'est juste une gosse qui aurait besoin de se détacher un peu de ses bouquins et de partir à la recherche d'affection et d'amour. Ai, faut l’assommer un peu pour qu'elle se bouge. Elle aura beau râler, elle ne viendra pas vous détester pour autant. Cela demanderait trop d'énergie de détester quelqu'un, de toute façon.