La chevelure relevée dans un élastique, la chemise tirée à quatre épingles, soulignée par un ruban, Anri parcourt les couloirs, ses bouquins de cours dans les bras. Elle est cette demoiselle que vous avez déjà vue, ou que vous aurez bientôt. Vous la revoyez de nouveau, cette fois dans votre salle de classe. Qui est donc cette personne placée devant vous en train d’énumérer une liste d’ingrédients, la spatule en bois à la main, loin du conventionnel « Je dicte et vous la fermez. » ? À vrai dire, ce n’est pas du tout une cuisinière, et encore moins la femme de ménage qui passait par là. Non, juste votre professeur.

Du haut de ses vingt-cinq ans, tout juste diplômée, elle enseigne une matière étrangement toujours au programme qui semble sortie du siècle dernier. L’enseignement de l’économie domestique, aka 2ED. Cette étrange matière où se mêlent des domaines que vous connaissez, que vous pratiquez dans votre quotidien tels que la couture, la cuisine, le bricolage, et dont les livres ne sont pas d’une grosse nécessité. Et pourtant, Anri a étudié pour vous l’enseigner, paradoxal n’est-ce pas ? Elle aurait pu trouver un métier plus glorifiant que professeur de 2ED, comme écrivain, psychologue ou médecin, mais non, car Anri, avec son air de jeune fille sage n’avait jamais été très douée pour l’école, et pourtant, ce n’était pas faute d’avoir essayé, d’avoir fourni des efforts, suivi tous les conseils donnés par les professeurs. Non, Anri était juste une étudiante dans la moyenne. C’est un peu son train de vie ça, la moyenne. Elle n’est pas très grande, ni trop petite, elle n’est ni mince, ni rondelette, ses cheveux n’ont rien d’extraordinaire, tout comme sa beauté qui est juste… dans les normes. Son enfance a été douce, elle a mangé à sa faim, eu ce qu’elle voulait sans être pourrie gâtée. Comme tout le monde.

Néanmoins, depuis toute petite, Anri a toujours cultivé un rêve d’enfant, ce jeu auquel toutes les petites filles s’amusent, être enseignant. Se sentir intelligent, apprendre des choses aux autres, être respecté, écouté par tous, avoir un peu de grade et les yeux braqués sur soi. Être hors de la norme et se démarquer de la foule, du moins de la classe. Bien qu’elle ne soit pas un modèle d’autorité, elle a son truc pour calmer les esprits échauffés, cette aura peu définissable qui donne un tout autre sens à son sourire pourtant doux et plein de bienveillance. Un avertissement plus que terrifiant. Anri ne donne pas d’ultimatum en classe, elle passe directement aux choses sérieuses, aux grandes sentences, et étrangement, ça va mieux. Enfin, au fond, elle n’est pas bien méchante. Juste peu patiente. En tout cas, ses cours se passent généralement bien, il faut dire que sa matière étant plus une pause, une récréation pour ses élèves qui l’ont entre deux heures totalement gonflantes, les cours se déroulent la plus part du temps dans une ambiance assez bon enfant.

En jeune fille bien élevée, Anri est tout ce qu’il y a de gentil, poli, attentionné, néanmoins, elle a appris à se connaître, que ce soit ses forces ou ses faiblesses, et ce qu’elle sait, c’est qu’elle est bien déterminée à atteindre tous les objectifs qu’elle s’est fixé, jusqu’à en perdre son éducation.